mercredi 21 mars 2012

Oui, mais il ne bat que pour vous







– (…) Votre cœur
C'est une brique.
– Oui, mais il ne bat que pour vous.

Car au fil du temps, les expériences, et parfois les blessures, s'accumulent mais n'empêchent pas l'élan, l'amour. Reste la crainte de souffrir et c'est ce qu'Isabelle Pralong suggère avec beaucoup de subtilité et d'invention dans son dernier livre Oui, mais il ne bat que pour vous, titre emprunté au poème « Pièce de cœur » de Heinrich Müller.

Lucie et son ami André envisagent de devenir parents. Cependant Lucie hésite. Autour d'elle gravitent figures esseulées et fantômes, et autant de proches aimants qui l'accompagnent.
Alternant scènes du quotidien, pleines de verve et de drôlerie, et séquences fantasmatiques, où grouillent d'extravagantes créatures – un tigre et une souris, frère et sœur, terrorisés par les aigles, un orque concupiscent, deux chiens chômeurs – l'auteur interroge le risque indissociable de l'attachement. Construite autour du poème, l'histoire est sans cesse en dialogue avec les vers, qui par incises introduisent tant des respirations qu'une graduation, offrant une composition presque musicale à la bande dessinée. Quant au dessin, saillant, tour à tour figé et mouvant, il appuie l'inquiétude qui sourd, plus particulièrement palpable dans les paraboles imaginaires, et permet de percevoir physiquement l'émotion. La consistance du livre tient à l'expression de petits mouvements imperceptibles, finalement cruciaux, mis en lumière, liés avec légèreté : lire Oui, mais il ne bat que pour vous, c'est recevoir l'histoire d'une avancée, réalisée au prix de moments difficiles mais avant tout vibrante, généreuse.

Oui, mais il ne bat que pour vous, Isabelle Pralong, L'Association

Citation : « Pièce de cœur », Germania Mort à Berlin, Heinrich Müller

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