mardi 12 juin 2012

Les Illusions





Les Illusions peuvent-elles transpercer la purée de pois ? Celles qui nous occupent, oui ! avec en prime un beau pied-de-nez aux livres sans cœur. 

Pourtant, les choses ne se présentaient pas si bien pour Victor Anthracite. Après un réveil douloureux et des rêves empreints de frustration, direction le bistrot, au milieu de la tristesse urbaine. Là, on se rencontre et on joue les hommes politiques au loto. La petite musique gainsbourienne de la mélancolie flotte : « Mes illusions donnent sur la cour… ».
Attiré par une voisine qui l'ignore, Victor a les épaules voûtées et le moral dans de grosses chaussettes. Par la fenêtre, au détour de l'escalier, il regarde vivre la jeune femme à la froide blondeur hitchcockienne, et dépose des lettres, composées en journaux découpés, sur son paillasson. Elle suppute un taré, il n'est qu'un amoureux pathétique, englué dans ses fantasmes.
Le quotidien s'enlise, la misère sexuelle est mâtinée d'alcool. Malgré tout, Victor, dans son éternel costume sombre et froissé, est tout à la fois bêtement tragique et lumineux. Au creux de ses journées mornes, il rêve. Quant aux amis, ils aident à pourfendre la déception inoculée par une pétasse, à grand renfort de levers de coude.

Ces Illusions étaient bien parties pour se briser en morceaux mais, adroitement et tendrement, Gérald Auclin désamorce la fatalité en la parsemant d'inattendu, offrant une fin de la plus réjouissante et candide absurdité. Les lignes droites et dures du livre sont peu à peu surpassées à mesure que le récit de la solitude s'étoffe. Le grivois côtoie tant le loufoque que le désespoir. On croit reconnaître dans les rêves débridés ou les poèmes naïfs de Victor une allusion aux amours de l'auteur, musique, peinture, bande dessinée ou encore poésie, avec un salut au « Prendre corps » du poète roumain Ghérasim Luca. Ces Illusions semblaient devoir partir en fumée, et les voilà qui mettent du baume au cœur.

Les Illusions, Gérald Auclin, éditions The Hoochie Coochie.

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